Isabelle Georges chante Bécaud
Des chansons riches, fortes, intemporelles
« Qu’elle est lourde à porter, l’absence de l’ami… » Il y a vingt ans, Gilbert Bécaud disparaissait. Ce musicien extraordinaire, véritable show-man, laisse derrière lui une œuvre foisonnante et variée entre chansons, comédies musicales et musique classique.
Cette diversité des genres a immanquablement séduit Isabelle Georges, artiste protéiforme à la fois chanteuse, danseuse, auteure, actrice et compositrice. Entre swing, jazz, java, blues et bossa nova, elle rend hommage, dans des arrangements ajustés sur mesure par Bruno Fontaine, à celui qui fit trente-trois fois l’Olympia, à l’énergie de Monsieur 100.000 volts et la beauté des mots de Pierre Delanoë, Charles Aznavour, Louis Amade et Maurice Vidalin.
Un feu d’artifice de textes, de chansons, à l’image d’une femme qui chante un homme qui les aimait tant !
« Il a le courage d’être excessif et de se montrer tel qu’il est jusqu’au bout… la folie, qui est le vrai miracle de l’enfance et que les grandes personnes cachent comme une honte. » Jean Cocteau
Avec Bécaud, on sort vite des mots de démesure – ogre, colosse, star, goinfre… Isabelle Georges parle d’un gladiateur, mais elle ne le mime pas quand elle le chante. Elle n’a cherché ni son grand fantôme, ni sa vaste silhouette, ni son haut masque. Elle est restée cette mezzo libre, toujours indocile aux frontières mais douce d’intentions, prompte aux échappées et fidèle à tous ses voyages…
On en connait qui se cognent le crâne au plafond en se haussant jusqu’aux exclamations de Gilbert Bécaud, qui s’essoufflent en cavalant derrière sa voracité d’émotions… Isabelle ne vient pas jouer les athlètes de la chanson. Elle respecte trop la petite fille émerveillée, jadis, par C’est en septembre, elle est trop sœur de la candeur jouissive qui unit les tout jeunes Bécaud et Aznavour s’aventurant ensemble dans l’écriture de chansons, elle a trop souvent, dans son parcours de musicienne, découvert chez lui de pépites neuves.
Son plus bel hommage à Gilbert Bécaud est peut-être là : elle puise dans les chansons et non dans la légende, dans l’œuvre du compositeur et non dans les photos du chanteur. Cela lui fait un collier d’élégances, de délicatesses, de miracles – pas le best of des radios du samedi…
Isabelle connait en lui un artiste tridimensionnel, tout en volumes, en courbes, en textures. Elle aime la comédie musicale, le chant classique ou le swing, et trouve tant à se nourrir dans ce répertoire tour à tour romantique, jazz, savant, Broadway, parisien. Elle l’a découvert, strate après strate, depuis les disques de Maman, jadis, jusqu’à ses recherches pour des spectacles explorant le patrimoine de la chanson française. Puis, lors de la vaste introspection forcée du confinement, elle s’est presque cognée à lui, géant caché par son ombre brumeuse, artiste au parcours clouté d’admirations, de défis, de désirs, d’ambitions, qui compose des standards pour la variété américaine, compose un opéra, compose des simplicités sophistiquées…
Évidemment, elle a partagé des chansons avec Frederik Steenbrink, compagnon de scène et de vie depuis quelques lustres. Et elle a convié Bruno Fontaine, pianiste et arrangeur qui, comme elle, voulait revenir au commencement de l’empreinte de Gilbert Bécaud, lorsqu’une liberté s’installe dans une chanson, sans souci de ressemblance ou d’orthodoxie.
Cela conduit Isabelle Georges à parler, ou plutôt à écrire trois chansons d’hommage à Bécaud, à son art, à son aventure, à son âme. Alors, on perçoit mieux quelle fraternité les unit. La liberté, toujours, et l’ivresse, l’aventure, la passion, le partage – ce sont des synonymes.
Bertrand DICALE
Journaliste, auteur et spécialiste de la chanson française
Mezzo libre, toujours indocile aux frontières mais douce d’intentions, prompte aux échappées et fidèle à tous ses voyages…
Bertrand Dicale