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Isabelle Georges

14 March 2020

Portrait in Le Figaro

By Florence Vierron in Le Figaro of November 21st 2019.

PORTRAIT – Après avoir conquis le public avec des reprises de chansons, elle présente pour la première fois des créations originales sur son nouveau disque. Et déborde de projets.

« En France, on aime bien cataloguer. Moi j’aime mélanger, ce qui n’empêche pas l’excellence », estime Isabelle Georges.

Quand elle était petite, son père lui demandait: « Qui es-tu? Le chêne ou le roseau ? » Elle était tentée de répondre « le chêne » tout en se sentant aussi roseau. Ce souvenir résume bien l’artiste, multiforme et inclassable. Chanteuse avant tout, danseuse et créatrice de spectacles, Isabelle Georges « déteste les cases. Et en France, on aime bien cataloguer. Moi j’aime mélanger, ce qui n’empêche pas l’excellence ».

Une excellence qui marque autant le disque qu’elle vient de sortir, Oh Là Là!, que ses prestations, en français, en anglais et en yiddish, sur les plus grandes scènes de France et du monde. Le 15 novembre, elle triomphait au Feinstein’s 54 Below, à New York. Comme le public français, les Américains ont savouré des standards du répertoire français qu’elle réadapte avec ses musiciens. La vie en rose, bien sûr, Au suivant ou Que reste-t-il de nos amours ? Piaf, Brel ou Montand ne la quittent pas depuis son enfance trempée dans un mélange de musique classique, de jazz, de chansons françaises et de comédies musicales. Face à sa mère chanteuse lyrique, sa grand-mère compositrice pour la scène et collaboratrice de Barbara à l’Écluse et son père féru de littérature, elle a voulu « trouver sa voie qui serait un alliage de tout ça ».

Dingue de comédies musicales, elle aurait adoré rencontrer Leonard Bernstein ou George Gershwin.

Passéiste, Isabelle Georges? « Je suis très admirative de ce qui s’est fait avant. Bien sûr, il y a des chansons très connues qui n’ont pas besoin de moi. Disons que je suis plutôt passeur. » Après avoir travaillé avec des personnalités aussi fortes que Michel Legrand ou Jérôme Savary, elle s’est jetée à l’eau en créant ses propres spectacles « parce que j’adore raconter des histoires ». Ses grands yeux bleus transparents et son large sourire toujours ouvert illuminent sa chevelure rousse dès qu’elle en parle. « Une étoile et moi part sur les traces de Judy Garland, mon idole, Broadway enchanté s’articule autour des comédies musicales de mon enfance et Padam Padam raconte la vie de Norbert Glanzberg, déclaré artiste dégénéré par Goebbels.» Les airs connus y foisonnent, d’Over The Rainbow à Chantons sous la pluie, en passant par My Fair Lady et Les Grands Boulevards. Dingue de comédies musicales, elle aurait adoré rencontrer Leonard Bernstein ou George Gershwin. « Je ne suis peut-être pas née à la bonne époque, avoue-t-elle. Mais je ne fais pas des reprises pour faire des reprises. »

Plusieurs facteurs guident ses choix. Les coups de foudre d’abord. Comme celui qu’elle a eu pour T’es beau tu sais, un air de Piaf « que le public ne connaît pas. Et quand les spectateurs l’entendent, ils le trouvent superbe ! » Une expérience qui l’amène à penser que des terrains restent à défricher. Elle aimerait reprendre Bécaud, par exemple, parce qu’«il souffre d’injustice alors qu’il a écrit des textes somptueux». Ses motivations sont aussi parfois plus personnelles. C’est le cas quand elle interprète en anglais Au suivant, de Jacques Brel. « Je le chante en anglais parce qu’il y a alors une confusion des genres. On ne sait pas si c’est “she or he” », explique-t-elle. Mais dans cette chanson, c’est surtout le défilé d’êtres humains anonymes qui la ramène à ces années où les médecins passaient en revue la petite malade qu’elle était et les autres.

« Ma mère me faisait chanter pour oublier que j’avais mal et c’est là que le chant est devenu essentiel » Isabelle Georges

Entre ses 3 mois et ses 8 ans, la quadragénaire débordante d’énergie a beaucoup fréquenté l’hôpital Necker, à Paris. Opérée cinq fois d’un rein, elle partageait sa chambre avec trois autres enfants. « J’avais ma souffrance et celle des autres. C’était facile de se laisser aller à tout ce qui ne va pas », se souvient-elle. Déjà, elle racontait des histoires à ses compagnons affaiblis. Et surtout elle chantait. « Ma mère me faisait chanter pour oublier que j’avais mal et c’est là que le chant est devenu essentiel. » Ce démarrage difficile lui a fait prendre conscience que « c’est précieux de pouvoir bouger ». Le numéro de claquettes – elle a été championne d’Europe au début des années 1990 – qu’elle exécute sur scène reste la meilleure expression de son dynamisme et sa joie de vivre indéfectibles.

Des peurs, bien sûr qu’elle en éprouve. « C’est de là que naissent les plus belles choses. » Un jour, on lui propose de remplacer une chanteuse qui s’était cassé les dents en tombant dans la rue. Elle a deux jours de préparation avant d’interpréter 18 chansons qu’elle connaît sans jamais les avoir chantées! Sa prestation donne naissance à un disque et à une collaboration régulière avec le pianiste Jeff Cohen. « Chaque fois que je suis au creux du doute, je trouve quelqu’un sur mon chemin qui, en une phrase, réussit à l’effacer. »

Alors après avoir fait le pari – gagnant – de jouer le répertoire des autres, elle se lance dans l’écriture. Sur son dernier disque, trois chansons s’inspirent de son vécu et de sa sensibilité. « Un amour qui se vit et Entre nous, je les ai écrites en deux heures. Il y a des choses qu’on a besoin de dire dans ses propres mots », confie-t-elle. Cependant, il faut croire qu’un fil la retient au passé. La musique du Tout petit avion, hommage à deux de ses proches disparus, est signée Roland Romanelli. L’accordéoniste de Barbara gardait cinq mélodies dans un tiroir, validées par la Dame en noir. Mais leur séparation n’avait pas permis à ces notes d’éclore. « Roland attendait quelqu’un à qui les offrir. J’étais époustouflée et tétanisée ! », s’exclame Isabelle Georges. Son prochain défi? « Ne faire que des chansons originales!» Et il y aura aussi un conte pour enfants, déjà écrit, avec paroles et chansons, le projet d’un cycle de chansons qui déroule la genèse «un peu à la manière du Winterreise de Schubert ». À quoi il faut ajouter l’idée d’une comédie musicale pour laquelle elle a fait les premiers pas mais qu’elle ne souhaite pas écrire seule. Devant tant de positivisme, nous revient en mémoire ce proverbe qu’elle cite volontiers sur scène: « Si tu veux oublier tes soucis, mets des chaussures trop serrées. »

Bio express
1972 Naissance à Maison-Laffitte.
1997 Joue dans Le Passe-Muraille.
1999 Interprète La Périchole dans le spectacle de Jérôme Savary.
2003 Premier spectacle Une étoile est née.
2015 Présente Oh Là Là! au Festival d’Édimbourg.
15 novembre 2019 Sortie du disque Oh Là Là!
11 décembre 2019 En concert au Théâtre des Champs-Élysées.

Portrait Isabelle Georges Le Figaro

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