17 August 2017
Az dos hartz is ful, gisn zikh di oygen iber. Quand le cœur est plein les yeux débordent.
Isabelle Georges et Frederik Steenbrink nous emmènent sur les traces d’une musique originale qui a inspiré ou apporté de grands changements partout où elle est allée, une musique qui a voyagé, qui a su se mélanger aux différentes cultures qu’elle a rencontrées et qui aujourd’hui encore n’a pas fini de nous étonner, La musique Yiddish.
Partir, c’est vivre… Partis pour fuir les pogroms, des familles juives entières quittent la Russie et émigrent en Europe ou aux Etats-Unis. Pour certains c’est le Pletzl en plein cœur du quatrième arrondissement de Paris, comme les Ginsburg …
Pour d’autres c’est New York, où dit-on les routes sont pavées d’or… À défaut d’or, la plupart découvre l’enfer des Sweatshops où ils se tuent à la tâche pour donner à leurs enfants une chance… Ces enfants deviendront les frères Gershwin, Irving Berlin… Autant de compositeurs qui donneront avec leur musique la « Happy end », qui a si les a si souvent éludée, la fin heureuse tant attendue par leurs parents.
Comme disait Paul Éluard : « Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous »…
C’est une succession de petits clins d’œil sur mon chemin qui m’a incitée à tirer le fil de la musique yiddish, et avec lui, celui d’une partie de mes origines.
J’ai eu la chance d’évoluer dans une famille où la musique faisait partie intégrante du quotidien : nous écoutions les disques de jazz ou de chansons américaines ramenés par mon père de ses pérégrinations de l’autre côté de l’Atlantique, nos journées étaient rythmées par les vocalises de ma mère, soprano dramatique, bercées par les compositions de ma grand-mère, compositeur de musique de scène, et ma sœur et moi adorions chanter les chansons entendues à la radio… Depuis cette époque, une chanson me poursuit, m’obsède, m’ouvre des portes, m’interroge, me parle d’un monde qui n’est plus : Bay Mir Bistu Sheyn.
Un soir, après avoir vu un de mes spectacles, Ivan Levaï me propose de participer à un concert qu’il organise pour fêter les 60 ans du débarquement. Je choisis d’y interpréter Bay Mir Bistu Sheyn et pense immédiatement à Richard Schmoucler, qui vient à peine de créer son groupe le Sirba Octet. Nous nous réunissons autour d’un piano avec l’arrangeur Cyrille Lehn et, un jour de juin, interprétons cette chanson devant une salle pleine à craquer. Le lendemain, les appels affluent : « où peut-on les voir jouer ? ». Trois ans et quelques concerts plus tard, Charlotte Latigrat nous propose de créer un spectacle inspiré du documentaire de Fabienne Rousso-Lenoir Du shtetl à Broadway.
C’est en voyant ce documentaire que j’ai enfin pu faire le lien entre toutes les musiques de mon enfance. Forte de cette série de rencontres, de découvertes, j’ai commencé à apprendre à lire et écrire le yiddish, fruit, comme la musique qui l’accompagne, d’un savoureux mélange. Accompagnée de Dorothée Vienney (La maison du yiddish), je continue à tirer le fil rouge de la musique yiddish et avec elle, l’âme d’un peuple et sa façon de chanter la vie. Happy End est pour moi une nouvelle manière de l’explorer, cette musique à travers les traces qu’elle a laissées aux Etats-Unis mais aussi en France – une chance de mêler les trois langues que j’aime le plus au monde, le français, l’anglais et le yiddish.
Isabelle Georges
Création le 17 juillet 2017 au Corum Salle Pasteur à l’occasion du Festival Radio France Occitanie Montpellier